image

Experts en Management




Pourquoi certains (ex-)employés publient des avis employeurs en ligne – The Conversation

Le 8 septembre 2025, Chloé Guillot-Soulez, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Orientées vers soi, vers les autres ou vers l’entreprise, les motivations pour publier son avis employeurs en ligne sont légion. Elles soulignent que l’expérience de travail, bonne ou mauvaise, constitue un enjeu clé des politiques de ressources humaines.


Les plateformes d’avis employeurs comme Glassdoor, Indeed ou Choosemycompany sont devenues une source d’information privilégiée pour les candidats à l’embauche qui les considèrent généralement comme plus crédibles que la communication émanant de l’entreprise.

Selon une étude d’Hello Work publiée en 2024, 73 % des Français consulteraient régulièrement des avis employeurs en ligne mais les lecteurs les plus assidus sont plus particulièrement les jeunes travailleurs (88 %), les profils en reconversion professionnelle (88 %) et les personnes en recherche active de poste (85 %).

Alors même que ces sites ont progressivement gagné en popularité et en influence, l’analyse des motivations des individus à publier un avis employeurs en ligne reste un angle mort : pourquoi certains employés ou ex-employés prennent-ils le temps de partager leur expérience, qu’elle soit positive ou négative ?

Trois logiques à l’œuvre

Dans le cadre de notre recherche, nous avons interrogé 22 individus ayant déposé un avis employeurs en ligne. Onze motivations regroupées en trois grandes catégories ressortent : orientées vers soi, vers les autres et vers l’entreprise.

Des motivations orientées vers soi

  • L’utilitarisme lié aux contraintes techniques des plateformes : « J’ai posté cet avis uniquement pour débloquer des avis » (R21) ;

  • L’hédonisme qui correspond à un plaisir autocentré associé à la publication de l’avis : « Quand je laisse un avis négatif, oui c’est important mais pas pour l’entreprise, pour moi. Par exemple, si je laisse un avis sur cette entreprise-là, je m’en fiche que cette entreprise sache que j’ai laissé l’avis ou pas » (R16) ;

  • La valorisation de soi liée à la fierté et à un sentiment de valorisation de l’estime de soi en ayant travaillé pour un bon employeur : « Après avoir posté l’avis, j’étais contente de partager cette expérience et la fierté de travailler dans cette entreprise » (R7) ;

  • L’évacuation de sentiments négatifs (mécontentement, colère, vengeance…) liée à une mauvaise expérience de travail : « J’ai eu envie de poster cet avis pour montrer mon mécontentement. C’était plus qu’un mécontentement, je dirais du dégoût déjà, parce que je trouve que ce n’est pas une façon de traiter les gens » (R8).

Des motivations orientées vers les autres

Le dépôt d’un avis employeurs est ensuite orienté vers les autres, en particulier les personnes en recherche d’emploi plus susceptibles de consulter les avis :

  • Le désir d’aider les autres : « Après avoir posté l’avis, honnêtement, je me suis senti vraiment “aidante”, je me suis sentie bien, parce que j’ai aidé des gens » (R6) ;

  • La réciprocité car les auteurs ont le sentiment d’appartenir à une communauté qui s’entraide : « Ce qui me motive à déposer des avis en ligne c’est de me dire que j’aimerais que les gens fassent pareil. J’aimerais trouver l’information donc je vais la donner de mon côté aussi » (R9) ;

  • La volonté de renseigner sur l’expérience de travail pour permettre aux personnes qui consultent de savoir s’il s’agit d’un bon ou d’un mauvais employeur : « Je me suis dit que ça pourrait servir à d’autres personnes, de voir comment les RH et l’employeur se sont comportés dans cette entreprise, comment ça s’était réellement passé ». (R8).

Des motivations orientées vers l’entreprise

  • La rédaction d’un avis en réponse à une demande de l’entreprise : « J’étais dans une société et, à la fin de mon stage, il y a un des membres de la société qui m’a demandé de poster, de donner mon avis sur l’entreprise et sur comment ça s’était passé » (R5)

  • Le désir d’aider l’entreprise quand celle-ci est confrontée à des difficultés de recrutement : « Je me suis dit, ils utilisent Indeed je vais mettre un bon avis sur leur page comme ça au moins les autres gens le verront et ça aidera peut-être ma gérante à trouver plusieurs employés » (R6)

  • La volonté d’influencer, positivement ou négativement, l’image et la notoriété en particulier quand il s’agit de petites entreprises : « C’est une entreprise qui n’est pas trop connue du public et du coup je pense que ce genre d’avis peut pousser des gens qui ne connaissent pas forcément à postuler » (R7)

  • Le souhait de faire un retour à l’entreprise. Celui-ci peut être positif : « Je voulais le partager avec tous les membres de l’entreprise, leur faire passer un message pour leur dire comme quoi c’était agréable de travailler avec eux » (R18). Mais il peut aussi être négatif avec l’objectif de pousser l’entreprise à évoluer : « Ce manager était impoli avec les clients et désagréable donc vraiment je voulais faire remonter ça à la direction pour qu’ils comprennent qu’il y avait un sérieux problème » (R13).

L’expérience de travail

Cette recherche souligne l’importance de l’expérience, bonne ou mauvaise, comme élément déclencheur du dépôt d’un avis employeurs en ligne en ligne.

Aligner promesse et réalité

Les plateformes d’avis employeurs sont un moyen de témoigner de l’expérience de travail vécue et un outil d’évaluation du contrat psychologique en lien avec la promesse employeur formulée par l’entreprise.

Les avis employeurs s’intègrent au bouche-à-oreille sur les employeurs. Le respect (ou non) du contrat psychologique détermine l’évaluation de l’expérience de travail et influence l’action de publier un avis. Au-delà du simple fait de témoigner du respect du contrat psychologique, les répondants ont conscience que les candidats à l’embauche se renseignent sur les employeurs avant de postuler. Ils consultent les avis employeurs en plus des messages et signaux envoyés par l’entreprise.

Réaliser un travail de veille sur les avis employeurs

Les entreprises ont tout intérêt à réaliser un travail de veille sur les avis employeurs afin d’évaluer la qualité de l’expérience de travail et sa cohérence par rapport à la promesse employeur. En cas d’avis positifs, l’enjeu sera de maintenir ces bonnes évaluations dans la durée. À l’inverse, de mauvais avis sont utiles pour identifier les dysfonctionnements, améliorer la politique de ressources humaines (RH) et éviter le partage d’informations négatives.

Encourager les avis positifs (sans les acheter)

L’action de déposer un avis employeurs apparaît comme un acte à la fois volontaire et altruiste déterminé par l’expérience de travail vécue. Alors que certaines entreprises se demandent si elles auraient intérêt à inciter leurs employés à déposer des avis en ligne, notre recherche permet d’identifier que des incitations financières seraient contreproductives alors que des incitations prosociales peuvent être envisagées.

Les avis employeurs apparaissent aujourd’hui comme un levier d’employee empowerment. Ils s’intègrent pleinement à l’économie de l’expérience qui donne une place centrale aux expériences des individus. Face à cette situation, les entreprises ne sont pas démunies mais la qualité de l’expérience de travail offerte demeure la clé des « bons employeurs ».

Chloé Guillot-Soulez, Professeure des Universités en Sciences de Gestion, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


Actus associées

Face aux polycrises, l’État doit devenir stratège – The Conversation

3 septembre 2025

Le 28 Août 2025 – David Vallat, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3 La polycrise implique l’imbrication de crises multiples : financières (subprimes de 2008), sanitaires (Covid-19),...

En savoir plus

Le rebond, après une liquidation judiciaire, une affaire collective ? –...

23 juillet 2025

Le 21 Juillet 2025, Bénédicte Aldebert, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille Université; Célia Magras, Université de Strasbourg; Dorian Boumedjaoud, Burgundy School of Business ; Leslie Maillot, Aix-Marseille Université...

En savoir plus

Voir tout