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BlackRock : un mastodonte financier au pouvoir d’influence pourtant mesuré – The Conversation

Jérôme Caby, IAE Paris – Sorbonne Business School, Le 9 septembre 2024

BlackRock gère quelque 10 646 milliards de dollars d’actifs à travers le monde. Shutterstock

BlackRock est le numéro 1 mondial de la gestion d’actifs : 10 646 milliards de dollars fin juin 2024, un record. La richesse produite en 2023 en France, à titre de comparaison est de 2 806 milliards d’euros : c’est dire ! BlackRock propose et investit dans toute la gamme de placements qu’il s’agisse d’actions, d’obligations, de produits alternatifs, même si la société est très connue pour son offre d’ETF (exchanged-traded funds, produits d’investissement low cost dupliquant des indices boursiers) avec un encours de 3 886 milliards de dollars à la fin juin 2024.

Malgré tout, BlackRock n’est pas le propriétaire de ces fonds : l’entreprise agit pour le compte d’autrui, celles et ceux qui placent leur argent et décident sur quel type de support ils souhaitent se positionner. Son chiffre d’affaires propre, principalement composé des frais de gestion de ces actifs, n’est « que » de 18,6 milliards de dollars pour un bénéfice de 5,5 milliards en 2023.

Une omniprésence finalement modeste

L’importance des fonds gérés conduit BlackRock à investir dans le monde entier avec une prépondérance des Amériques, 67 % à la fin juin 2024, mais aussi dans les zones EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique, 25 %) et Asie-Pacifique (8 %). En France, le groupe, avec ses filiales, détient en moyenne 3,43 % d’une entreprise du CAC 40. Il est en outre présent dans chaque société.

Les chiffres semblent modestes, mais compte tenu du métier de BlackRock, c’est tout à fait logique : il n’y a pas d’objectif de prise de contrôle, mais une volonté de diversifier les portefeuilles investis. Compte tenu de la gestion indicielle via notamment des ETF, dès lors que les entreprises appartiennent à un indice qui sert de référence à un support d’investissement, BlackRock doit prendre des positions au sein de ces sociétés. C’est le cas des entreprises du CAC 40.

Des tiers qui imposent leur loi

Du fait de la masse et de la diversification des capitaux investis, BlackRock a tout intérêt à agir au niveau macroéconomique plutôt que microéconomique, de telle sorte que le climat des affaires soit le plus favorable possible aux entreprises grâce notamment à une gestion avisée des États. Ceux-ci sont également des émetteurs obligataires majeurs. Une vision de long terme s’impose de plus à BlackRock dont les actifs ne sont pas détenus passagèrement, avec pour visée une prospérité économique générale.

Tous les ans, le dirigeant de BlackRock, Larry Fink, publie une lettre qui s’adresse aux investisseurs et indique les priorités de BlackRock pour l’avenir. Celle-ci est décortiquée par les observateurs car elle donne le « la » à une bonne partie de l’industrie de la gestion d’actifs. Dans sa lettre de 2024, Larry Fink a en particulier insisté sur la mise en place d’un financement soutenable des systèmes de retraite, notamment grâce aux marchés financiers, et sur les infrastructures énergétiques en référence à la décarbonation et la transition énergétique. Une polémique s’était d’ailleurs développée en France à la fin de l’année 2019 sur le lobbying supposé de BlackRock pour la mise en place d’une retraite par capitalisation dans le cadre du projet de réforme des retraites porté par le gouvernement d’Edouard Philippe.

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C’est au travers de cette lettre qu’il a également beaucoup contribué à populariser l’orientation ESG (pour environnement, social et gouvernance) des investissements aux États-Unis et dans le reste du monde. Il a dû depuis rétropédaler : outre-Atlantique, un mouvement anti-ESG a pris de l’essor, reprochant à BlackRock de faire des choix en contradiction avec l’intérêt patrimonial et les valeurs de ses investisseurs. Certains États républicains lui ont alors retiré la gestion de leurs actifs, comme le Texas. C’est tout un exercice d’équilibriste car, en sens inverse, le responsable des fonds de pension publics de la ville de New York a par exemple demandé à BlackRock d’accentuer ses actions pour le climat.

 

Aujourd’hui, Larry Fink a banni l’acronyme ESG de sa communication, en 2023, BlackRock n’a voté « oui » qu’à 9 % des résolutions d’actionnaires portant sur des questions environnementales ou sociales, contre 40 % en 2021, et il a réorienté son discours plutôt vers la transition énergétique et le financement des infrastructures nécessaires.

In fine, le pouvoir d’influence de BlackRock, pour réel qu’il soit, est plus limité que les montants financiers en jeu pourraient le laisser supposer. Cela tient à son rôle de gestionnaire pour compte de tiers, ces tiers pouvant avoir des avis divergents comme c’est le cas aux États-Unis à propos de l’ESG ainsi qu’au caractère passif de la gestion indicielle d’une bonne partie de ses investissements.

Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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